Tribune au sujet du vote de la loi de bioéthique

Le 31 juillet 2020, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi de bioéthique en deuxième lecture, avec modifications.
Le texte avait été présenté au Conseil des ministres du 24 juillet 2019 par Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice, Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé et Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. L’Assemblée nationale l’avait adopté en première lecture, avec modifications, le 15 octobre 2019, puis le Sénat le 4 février 2020.

Tribune. Révision des lois bioéthiques : est-ce le sens de l’histoire?

Le projet de loi relatif à la bioéthique a été voté au creux de cette nuit ! Il veut instituer un nouveau mode de filiation en effaçant totalement le père dès la conception.
Au cours des débats, il a été plaidé que ce projet de loi concernait l’amour dans la famille. Mais les députés n’ont pas à s’immiscer dans cet intime et à légiférer sur l’amour ! Ils ont mission d’établir le droit à partir du respect de la dignité humaine et des valeurs éthiques qui en découlent, dont la protection du plus faible.
Par leur vote, les députés ont cherché un « équilibre ».
Peut-on parler d’« équilibre » quand ce projet interdit de fait à des enfants d’avoir un père, et suscite en pratique une discrimination injuste entre eux ?
Peut-on parler d’« équilibre » quand ce projet établit un égalitarisme entre toutes les femmes au regard de la PMA alors qu’elles ne sont pas dans une situation égale vis-à-vis de la procréation ?
Peut-on parler d’« équilibre » quand ce projet conduit au risque de contourner le principe de gratuité par la nécessité d’acheter des gamètes humains? Ce principe exprime une haute idée de la dignité humaine selon laquelle tous les éléments et produits du corps humain sont par nature gratuits en raison de la dignité de l’être humain dont ils sont issus.
Peut-on parler d’un « équilibre » quand, à cause du projet parental dont le rôle a été majoré, le pouvoir des plus forts – celui des adultes – impose des désirs aux plus faibles – les enfants qui pourtant sont des sujets de droits? Les députés ont voté après avoir réfléchi et débattu sur d’autres sujets complexes concernant pour la plupart des situations douloureuses et parfois complexes en raison d’intérêts contradictoires. Ces réflexions vont se poursuivre avec les sénateurs. Les législateurs ont mission de réguler au plus juste les techniques biomédicales.
Les députés sont-ils allés dans le sens de l’histoire ? Leur vote n’est-il pas guidé par une certaine myopie ? Notre planète si malmenée nous impose d’urgence un virage écologique. L’usage excessif de techniques sur l’être humain ne nous obligera-t-il pas de prendre un virage, celui de l’écologie humaine ? « Tout est lié » dans le respect du vivant, qu’il appartienne à la nature ou qu’il soit humain. Ne ratons pas le sens de l’histoire !
Nous aussi, citoyens croyant en Dieu ou non, nous pouvons continuer à nourrir nos réflexions à partir des valeurs éthiques de dignité, de solidarité et de fraternité. Il s’agit de réfléchir sur la bioéthique en pensant qu’il est question d’une loi civile chargée du « bien commun » pour tous et non de situations particulières.
Nous connaissons tous l’une ou l’autre de ces situations. Elles sont dues à des accidents de la vie ou à des décisions individuelles. Même si elles sont parfois difficiles, elles ne sont pas exemptes d’amour, nul n’en doute. L’Église catholique continuera à les accompagner avec respect et sollicitude.

Mgr Pierre d’Ornellas, Archevêque de Rennes, Responsable du groupe de travail bioéthique de la Conférence des évêques de France.

Source : https://eglise.catholique.fr/espace-presse/communiques-de-presse/502855-revision-des-lois-bioethiques-sens-de-l-histoire/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=revision-des-lois-bioethiques-sens-de-l-histoire